dimanche 23 mai 2010

Zilnon Lingpa (Tchimé Rigdzin Rinpotché), un découvreur de trésors

Zilnon Lingpa est le nom de tertön de Tchimé Rigdzin Rinpotché. Les tertöns sont ces êtres spéciaux, incarnations des principaux disciples de Gourou Padmasambhava, qui selon les instructions et les prophéties de ce dernier réapparaissent pour découvrir et transmettre les trésors spirituels dissimulés pour le bien des êtres à éduquer spirituellement.

statue terma de Padmasambhava

Finalité des termas

Les termas sont des trésors spirituels cachés par Padmasambhava et sa parèdre Yéshé Tsogyel au neuvième siècle. Ces trésors sont composés essentiellement de textes, mais également de reliques, statues et objets de culte porteurs de la bénédiction de Gourou Padmasambhava. Dans son ouvrage « Les Trésors Cachés du Tibet » Toulkou Thondoup explique la finalité de ce système de termas. Page 57, il cite Rigdzin Jigmé Lingpa : "[les termas sont cachés] avec une intention quadruple : pour que la doctrine ne disparaisse pas, pour que les instructions ne soient pas altérées, pour que les bénédictions ne s’affaiblissent pas, et afin que la lignée de transmission s’en trouve raccourcie."

Tchimé Rigdzin Rinpotché revenait souvent sur ces points au cours de ses enseignements, ou en introduction des initiations et transmissions qu’il allait donner. Il insistait sur le fait que des textes termas comme la Grande Rigdzin avaient une lignée courte, garante d’un pouvoir de bénédictions maximal. Il comparait la perte du pouvoir de bénédiction des textes avec le temps à l’évaporation de l’alcool dans un verre laissé longtemps à l’air libre.

Principes de dissimulation et de découverte

Les mécanismes de la dissimulation, de la transmission et de la découverte des termas sont complexes et je ne saurais trop encourager le lecteur à se reporter à l‘excellent livre de Toulkou Thondup cité plus haut. Certains points sont particulièrement importants.

Padmasambhava a d’abord donné la transmission des textes spirituels lors de sa venue au Tibet, au neuvième siècle. Lors de ces transmissions se fait la dissimulation dans l’état naturel, l’espace de la conscience éveillée des disciples. Là est le lieu essentiel de la dissimulation. Ensuite, selon les besoins, en fonction des lois de causalité amenant certaines circonstances, il fut parfois nécessaire de dissimuler des signes, des parchemins, et les statues et autres objets dans des endroits précis, comme des rochers, des lacs, des montagnes etc. On distingue ainsi les termas de l’esprit, qui ne nécessitent aucun support matériel, aucune dissimulation dans les éléments grossiers, et les termas de la terre, surtout trouvés dans les éléments terre (rochers, montagnes, grottes) et eau (rivières, lacs).

En dissimulant les trésors, Gourou Padmasambhava émit l’aspiration et la prophétie que ces trésors soient redécouverts à telle époque par telle incarnation du ou des disciples à qui la transmission a été faite. Ainsi, lorsque le temps est venu, grâce à différents événements plus ou moins complexes, se produit le réveil de la transmission qui aboutit à la découverte du terma par le disciple prédestiné. (lire l’article sur Rigdzin Godem et les Trésors du Nord pour une illustration détaillée de ce mécanisme).

Cloche et Dordjé terma ayant appartenu au 
Roi Trisong Deutsen


Les découvertes de Zilnon Lingpa

Lorsqu’on lit les commentaires, les introductions ou les préfaces des textes publiés par Tchimé Rigdzin Rinpotché, on remarque qu’à de nombreux endroits, il signe Zilnon Lingpa, son nom de tertön. En effet, bien qu’il ne s’en vantât jamais, Tchimé Rigdzin Rinpotché découvrit de nombreux trésors cachés par Gourou Padmasambhava. Incarnation de Khyétchoung Lotsa, l’un des proches disciples de Gourou Rinpotché, il reçut dans cette incarnation au contact avec le grand Maître de nombreuses transmissions, et il lui arrivait de nous parler de ces moments, dont il avait des souvenirs très précis.  Dans un entretien qu’il donna à Norma Lévine, relaté dans l’excellent ouvrage « Blessing Power of the Buddhas », on peut lire des choses étonnantes sur ce monde spécial des termas de Padmasambhava :

 « A environ un jour et demi de marche de mon monastère du Kham, il y a un rocher terma particulier, à l’intérieur duquel  j’ai le pouvoir de voir. Dans ce rocher, c’est comme chez un bon maître de maison, qui garde les choses sur une étagère. Il y a beaucoup de choses dedans, de nombreux vêtements, de Gourou Padmasambhava, de Vairocana, de Vimalamitra... Il y a en particulier un stupa de cristal, que j’aime beaucoup, très brillant... Une fois j’ai essayé de le sortir, mais dès que je l’ai touché, il s’est brisé. Ce n’est pas mon lot. Sans l’ordre de Yéshé Tsogyel, les protecteurs du Dharma ne le donneront pas, et je ne le prendrai pas. »

Sur sa première découverte de terma, Zilnon Lingpa explique : « A l’âge de neuf ans, je faisais une retraite au Tibet lorsque j’eus une vision. Dans cette vision, on me demandait d’aller dès le lendemain près d’un rocher particulier pour trouver un terma. Je suivis les instructions et le lendemain, de ce rocher, je retirai une pierre contenant un papier, clé des enseignements de Yamantaka. Cela se passa exactement comme la vision me l’indiquait. »

« Je n’essaie jamais de trouver des termas. Si j’en trouve, c’est ok, et si je n’en trouve pas, c’est ok. Certaines personnes croient que s’ils trouvent des ters, il deviendront célèbres, et ils ont des difficultés. Je n’ai jamais rencontré d’obstacle pour trouver des termas. La dernière fois que je me suis rendu au Tibet (1990), j’ai découvert deux ters. Je me suis rendu à mon monastère en juin, et alors que j’assistais aux danses des lamas, au cours de la danse de Gourou Tsengyé (huit formes de Gourou Rinpotché) il y a eu une grosse rafale de vent. Le protecteur est venu, et deux pierres sont tombées dans ma main : l’une était une pierre de Mahakala, noire et blanche et l’autre était marron, et très brillante, et à l’intérieur se trouvait un petit papier avec la clé des sadhanas des Héroukas, et d’autres tantras. Dans ces textes  se trouvait la sadhana de Mahakala. Le petit papier et la pierre sont chez moi, à Siliguri, mais je n’ai pas encore couché tout cela sur le papier.

Puis le treizième jour du quatrième mois tibétain, j’ai découvert le dernier terma jusqu’à ce jour. J’était sur la montagne de Dongri, un lieu de Mahakala, avec mon fils Urgyen et des porteurs. J’ai envoyé tout le monde en avant voir si l’on pouvait passer en jeep, car la route était très mauvaise. Alors que j’étais seul, deux protecteurs du Dharma sont apparus. L’un tenait une pierre, l’autre une statue de Mahakala à deux bras, d’environ 13 cm, en métal, avec un très gros pourba dans la main droite et un kapala dans la gauche. Ils m’ont demandé ce dont j’avais besoin, en précisant que comme ma parèdre ne m’accompagnait pas,  je ne pouvais avoir que l’un des deux. J’ai choisi la pierre, car la statue n’aurait qu’un bienfait limité, peut être seulement à l’endroit où elle se trouverait, mais la pierre contenait un texte que je pourrais recopier et tout le monde pourrait en bénéficier, aussi pris-je la pierre, et la statue fut remportée

Dordjé Terma

 Rinpotché précisa ensuite que les deux protecteurs apparurent  devant lui, pas comme une vision, mais "réellement," en tout point semblables à des tibétains ordinaires. Toutefois, les porteurs ne purent les voir. Seul son fils Toulkou Urgyen les remarqua et lui demanda qui ils étaient.

Gudrun, son accompagnatrice durant des nombreuses années, raconte que quelques années plus tard, alors qu’ils voyageaient en France, entre Dijon et Paris, Rinpotché demanda à quitter l’autoroute, et ils arrivèrent à une carrière désaffectée et déserte. Là, Rinpotché dit qu’il y avait peut être des termas et qu’elle devait aller voir dans les tas de cailloux si elle voyait quelque chose de spécial, ce qu’elle fit. Après avoir passé du temps à chercher sans résultat, elle revint à la voiture et Rinpotché, tout souriant, lui montra un caillou terma qu’il venait de recevoir d’un protecteur, pendant qu’il était seul. Il n’était même pas sorti de la voiture.

On peut croire que les termas ne sont dissimulés qu’au Tibet ou dans les régions himalayennes, mais à de nombreuses reprises, Rinpotché, au cours de voyages, sur un ton tout à fait banal, nous indiqua des lieux, dans les falaises, ou les montagnes du Jura en particulier, où étaient dissimulés des ters, indiquant que la plupart d’entre eux étaient là pour leur pouvoir de bénédiction et ne devaient pas être retirés.

De nombreux textes spirituels

Zilnon Lingpa a donc découvert de nombreux termas. Il n’est pas sûr qu’il ait eu le temps de tout coucher sur le papier. Néanmoins, ses disciples ont pu profiter de nombre d’entre eux. Il faut dire qu’il avait également la charge des trésors de ses précédentes incarnations, en particulier du grand Khordong Terchen Nuden Dordjé, et d’autres grands tertöns comme Sangdzin Gonpo Wangyal. Il nous disait à ce propos qu’il n’était pas forcément nécessaire de tout retranscrire, puisque cela serait simplement redondant avec ce dont nous disposions déjà. Toutefois, il nous a transmis de précieux trésors. Par exemple, la grande sadhana des protecteurs du Dharma, intitulée « Le Rugissement du Dragon qui Satisfait tous les Souhaits »  et qui permet de restaurer les vœux brisés et de renforcer les liens des pratiquants avec les protecteurs. Voici ce qui est écrit dans la post face concernant la découverte de ce texte et sa diffusion :

" Moi, Zilnon Lingpa, en accord avec la requête du gardien du trésor, je me rendis au lieu où dans le passé, l’Acharya Vairocana avait accordé la réalisation de rigpa à Pang Mipam Gonpo, près du rocher de Waseng, le quatrième jour du mois du dragon de l’année du bœuf de bois, au moment de la mort de Rahor Dartsang. Là, je devais rencontrer l’achèvement final de la bonne fortune à laquelle j’étais destiné, que j’obtins sous la forme d’une cassette de pierre des mains de l’incarnation de Zhenphen, un lama du monastère de Rahor, de la lignée de Takyung Toulkou Rinpotché. Bien qu’il fût dit que ce trésor devait être transmis par Takyung Toulkou et malgré les demandes urgentes faites à cet effet, au moment où une multitude issue de la suite des protecteurs du trésor amena le nouveau rouleau jaune (texte symbolique), il n’était pas là, aussi fut-il incapable de le recevoir.*
Après cela, au Cheval d’Or, à Yarloung, le lieu de la félicité tourbillonnante, la cassette de pierre fut ouverte par la main de la dakini Urgyen Kyid, une authentique émanation de Yéshé Tsogyel, et elle se révéla contenir les trois enseignements du gourou yoga, de la grande perfection, et de Mahakarunika Avalokiteshvara.** De plus, la cassette contenait de nombreuses sadhanas et d’autres instructions traitant de la quintessence du sens des neuf yanas etc.  mais comme tous ces enseignements peuvent être trouvés dans les trésors spirituels du grand tertön Nuden Dordjé, sans aucune omission, au moment où la cassette fut ouverte, ces enseignements furent mis de côté. On espère que ces enseignements quintessentiels sur le sens des neuf yanas pourront être retranscrits ultérieurement.
Mais en ce qui concerne ce cycle de pratique des dharmapalas, je pensais qu’il devait être couché sur le papier maintenant, afin d’avoir la joie continue de la récitation quotidienne de cette pratique essentielle de tous les protecteurs du Dharma, et durant une cérémonie d’offrande ganachakra (tsog), le dixième jour du premier mois de l’année du tigre de feu, des requêtes urgentes furent faites pour que ces enseignements soient transcrits par le propre fils du maître du Dharma, Urgyen Tchemchog, qui est l’incarnation la plus récente de Vairocana le traducteur. A ce moment, la joie des protecteurs du Dharma devint visiblement manifeste, alors que des sons faisaient écho depuis la lumière des lampes à beurre nocturnes. Puis plus tard, dans la pureté originelle, le texte fut recopié des rouleaux jaunes originaux sur un papier jaune frais par le suprême nirmanakaya Tsulthrim Gyourmé."

Parmi les autres textes termas transmis par Zilnon Lingpa, citons également La Prière d’Aspiration des Lampes que tous ses disciples pratiquent lors d’offrandes de lumière, et dans la Grande Sadhana du Gourou Vidyadhara (Grande Rigdzin), cette strophe de louange à Gourou Rinpotché, terma de l’esprit que modestement, Rinpotché dit avoir reçue ‘en rêve’. Ces quelques vers d’une limpidité absolue résument avec élégance, précision et profondeur tous les enseignements du Bouddha, de la voie des véhicules de base à la sublime grande perfection :

TCHITAR DA DEUN TAGDZOG NGAYABLING
‘Extérieurement, à Ngayabling aux signes parfaits, où tout a un sens profond,
NANGTAR RANG LU POUNG KHAM KHANDROI DRONG
Intérieurement, dans la cité des dakinis des skandas et des dhatous de mon propre corps,
SANGWA DE TONG YERME THIGLE LONG
Secrètement, dans l’immensité au sein de la sphère de l’inséparabilité de la félicité et de la vacuité,
YANGSANG DJA TSOL DRALWA NYOUGMAI SHI
Et ultra-secrètement, dans et comme la nature originelle et immuable, dénuée d’activité et d’effort,
RANGDJOUNG RANGSHAR RANDREUL DEWA TCHE
Grande félicité apparaissant spontanément, existant spontanément et se libérant spontanément,
NYIME GYALPO DEUN GYI HEROUKA
Le roi de la non-dualité, libre à la fois du samsara et du nirvana, Hérouka originel et authentique,
NE SOUM KHANDROI TSOWO PEMADJOUNG
Chef des dakinis des trois lieux, Pèmadjoungné,
KOU SOUM YERME ZHAB LA SEULWA DEB
Nous vous prions, vous qui n’êtes pas différent des trois kayas.’

* Takyoung Toulkou devait servir d’intermédiaire entre les protecteurs et Zilnon Lingpa pour la transmission du rouleau jaune, mais elle se fit donc sans lui.

** le fait d’avoir révélé des textes trésors sur le Gourou (Padmasambahava), sur la grande perfection et sur Avalokiteshvara fait de Zilnon Lingpa un tertön majeur.

Bibliographie

Les trésors Cachés du Tibet par Tulku Thondup, Guy Trédaniel Editeur
Blessing Power of the Buddhas par Norma levine, Element Books Limited 

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