dimanche 13 juin 2010

La Sadhana du Gourou Vidyadhara (Grande Rigdzin)



Le titre complet de cette pratique est : La Pratique du Vidyadhara qui Englobe les Trois Racines (tirée de la Sphère Profonde du Trésor Secret des Dakinis). Partout où des groupes de pratique se développèrent autour de Tchimé Rigdzin Rinpotché, il transmit ce texte et encouragea grandement ses élèves à le pratiquer. J’ai eu la chance de pouvoir côtoyer ce grand maître durant de nombreuses années, le traduire, assister à de nombreux enseignements dans différents pays, et recevoir ses conseils personnels sur ce qu’il serait bon que je pratique, et toujours, je l’ai entendu insister sur la puissance spirituelle de ce texte. Aussi, il ne fait aucun doute pour moi que la Grande Rigdzin constitue le principal testament spirituel de Tchimé Rigdzin Rinpotché.

Origines du texte

Dans l’avant propos, Rinpotché explique que le cœur du texte est un terma de Nuden Dordjé, incarnation de Khyétchoung Lotsa, l’un des vingt-cinq principaux disciples de Padmasambhava. Il raconte comment Nuden Dordjé garda ce texte secret et le pratiqua seul, avant de le transmettre à sa disciple Tamdrin Wangmo, qui en fit autant, et le transmit à Gyalsé Pèma Donsal, qui fit de même puis le transmit à Sandzin Gonpo Wangyal, qui le transmit à Toulkou Tsourlo, qui enfin le transmit à Tchimé Rigdzin Rinpotché. Selon les prophéties de Padmasambhava, la pratique ne devait pas être dévoilée avant le cinquième détenteur, c'est-à-dire Tchimé Rigdzin lui-même. Cette préservation a ainsi permis de conserver intact jusqu’à nous, pratiquants de la fin du vingtième siècle et du début du vingt et unième, tout le pouvoir de bénédiction de cette pratique. C’est vraiment à nous, pratiquants des années 1980-2000, que Padmasambhava destinait ce texte.

C. R. Rinpotché explique plus loin comment il reçut aussi une lignée directe de Nuden Dordjé, Khyétchoung Lotsa et Padmasambhava, ce qui signifie que durant l’initiation, ces maîtres lui apparurent et lui conférèrent directement l’initiation, en même temps que son maître racine. Il ne peut donc pas y avoir de lignée plus courte et directe que celle qu’il nous légua.

Rinpotché nous raconta aussi comment il eut de nombreuses visions de Padmasambhava et Yéshé Tsogyel, lui enjoignant de diffuser ce texte largement, dans toutes les directions, car le temps était venu. A la fin de sa vie, il disait même en riant que lorsque ces grands êtres lui dirent qu’il devait transmettre la Grande Rigdzin du nord au sud et d’est en ouest, il pensait que cela concernait le Tibet, mais il se rendait compte finalement qu’il l’avait transmis en Europe, d’Islande à Espagne, aux Etats Unis, en Australie, en Chine, à Taiwan et bien sûr au Tibet, soit aux quatre coins du monde.

Composition du texte

Ce texte est en fait un collage des différents éléments, autour d’un élément central qui donne son nom à la pratique. Tchimé Rigdzin Rinpotché a composé le texte tel que nous en disposons aujourd’hui à la fin des années quatre-vingt, et je me souviens comment alors,  il prenait ici et là des strophes, des prières, et les rajoutait jusqu’à la version définitive.

Après deux prières introductives, hommages au maître et rappel qu’il n’est pratique plus profonde que la dévotion au gourou, le premier ‘chapitre’ est un bref texte de préliminaires qu’on dit « ordinaires » , composé par Padmasambhava.  Viennent ensuite les prières à la lignée, qui furent écrites en grande partie par Tchimé Rigdzin Rinpotché. Ensuite commence la pratique du Vidyadhara proprement dite.

Les pratiques préparatoires sont similaires à celles de la plupart des sadhanas tantriques élaborées : prise de refuge, développement de l’esprit d’éveil, prière en sept branches pour l’accumulation des mérites, sacralisation de l’espace/temps et érection d’un cercle protecteur. Alors, après une purification, la déité est invoquée et priée de venir au pratiquant afin de lui accorder les bénédictions. Le pratiquant fait des offrandes à la déité et à sa suite, ce qui conclut la pratique préparatoire.

La pratique principale de la sadhana est la méditation sur la déité, ici Padmasambhava et ses huit principales formes (Gourou Tsengyé). Ici, Padmasambhava est vu comme englobant tous les vidyadharas, les grands pratiquants réalisés du dzogchen (Vidyadhara signifie détenteur du rigpa). On visualise d’abord le mandala, puis le trône du maître et la syllabe germe, qui donne naissance à Padmasambhava, entouré de Yéshé Tsogyel et Mandarava, ses deux parèdres, et de ses huit manifestations (Tsokyé Dordjé, Padmasambhava,  Loden Tchoksé, Pèma Gyalpo, Nyima Euzer, Shakya Sengué, Sengué Dradog et Dordjé Droleu). Plus loin en périphérie sont héros, dakinis, servants et protecteurs. Cette visualisation est suivie d’une invitation et de prières pour unir samayasattva et jnanasattva. Puis a lieu la récitation du mantra. Cette pratique est suivie par l’offrande puis la louange qui conclut la pratique principale de la sadhana.

Les pages suivantes  sont certainement les plus profondes du texte. Elles ne sont pas issues de la Sadhana du Gourou Vidyadhara mais permettent d’utiliser les bénédictions apportées par la visualisation et la récitation du mantra pour s’établir dans la vue dzogchen et s’y maintenir. Elles participent à faire de cette pratique une pratique dzogchen, en montrant précisément comment l’on peut (et l’on doit) combiner mahayoga et atiyoga. C’est Tchimé Rigdzin Rinpotché qui a inclus ces strophes.

Tout d’abord viennent une série de prières qui renforcent la confiance foi dans le gourou. On implore le Gourou, vu comme englobant les trois joyaux, puis les trois racines, puis les trois kayas.  On peut ajouter à ces prières le nom de son propre lama racine. Rinpotché insistait sur l’importance de développer confiance et foi en abordant ces prières.

La dévotion est également cultivée par les cinq strophes tirées des Trésors du Nord qui viennent ensuite. Rinpotché nous racontait que c’est la transcription d’un dialogue entre Guélong Namkhai Nyingpo et Padmasambhava qui se déroulait dans la grotte de Samyé Tchimpou, au Tibet. Namkhai Nyingpo, l’un des cinq principaux disciples de Gourou Rinpotché, implore le maître en reconnaissant sa propre méprise, sa tendance à considérer comme tangibles les choses intangibles, ses obstacles liés à ses tendances karmiques et aux circonstances qui en découlent, et il demande à Padmasambhava de le « libérer des chaînes de la croyance dans la dualité. »  Lors d’un enseignement dans le Jura en 1990, Rinpotché nous donna des détails inouïs sur ce dialogue. Incarnation de Khyétchoung Lotsa, il était présent à ce moment dans la grotte, et se souvenait parfaitement de la scène. Il nous expliqua comme Yéshé Tsogyel avait préparé les offrandes du tsog, de manière miraculeuse, en un claquement de doigt. Il nous décrivit Guélong Namkhai Nyingpo, de petite taille, le visage bourru, et la manière dont il s’adressa au maître. Et il nous dit : « la majeure partie de la cinquième strophe est l’introduction à la nature de l’esprit que fit Gourou Rinpotché. En entendant cela, nous les vingt-cinq, nous eûmes instantanément la réalisation de ce qui était dit. »

On poursuit par une prière découverte par Tchimé Rigdzin Rinpotché lui-même, et que l’on peut lire dans le post précédent (Zilnon Lingpa). Vient ensuite une courte pratique de phowa, qui n’est pas spécialement destinée au moment de la mort, mais est une autre manière de se relier au Gourou avec foi et confiance. Il n’est pas question ici de canal central ou de transfert du principe conscient, mais d’une simple marche, sur une voie de lumière, jusqu’à Zangdopalri, la terre pure de Padmasambhava, une approche qui se termine par la fusion avec Gourou Rinpotché, au centre de son palais/mandala. Ce phowa est un texte du Tchangter (Trésors du Nord) arrangé par le grand  Pèma Thrinlé. Toutes ces prières d’approche du Gourou effectuées, le pratiquant peut conclure le gourou yoga en prenant les quatre initiations grâce aux syllabes et aux lumières habituelles, puis pratiquer l’unification avec le maître.

Il peut alors demeurer dans le simplicité naturelle de l’esprit telle qu’exposée dans Kadag Tektcheu, et se maintenir dans cet état, « sans rien faire du tout, restant calme et détendu. » Les strophes suivantes expliquent comment intégrer à cette vue sans effort tout ce qui est vu, entendu, et pensé. C’est un exposé/instruction sur l’auto-libération tiré de la prière en Sept Chapitres du Tchangter, et plus précisément la fin de la prière requise par Namkhai Nyingpo.

Ensuite viennent les pratiques de conclusion , qui débutent par une courte prière aux protecteurs qui fut composée par Nuden Dordjé. Après avoir conféré l’initiation des protecteurs issue de son propre terma, T R. Rinpotché ajouta à la fin trois strophes afin qu’en les lisant, nous puissions préserver le samaya de cette pratique. C’est la dernière retouche qu’il fit à la Grande Rigdzin de son vivant. (Après son départ, Toulkou Thondup nous donna une strophe que Rinpotché avait préparée, pour compléter la prière à la lignée. ) Enfin, la sadhana se termine avec l’offrande ganachakra (Tsog), la prise finale des bénédictions, les prières d’excuse pour tout ce qui aurait pu être mal pratiqué, les dédicaces et les prières auspicieuses.

Un condensé des pratiques Nyingma

Ainsi, ce texte de sadhana condense l’essentiel des pratiques Nyingma, des préliminaires à la pratique de Tektcheu du dzogchen. Il se suffit à lui-même et peut constituer le programme d’une retraite de trois ans ou même la pratique d’une vie entière. De par sa très courte lignée, la puissance et la saveur particulière des bénédictions de Gourou Rinpotché sont omniprésentes pour celui qui le pratique, accompagnées de l’énergie si particulière de notre maître racine Tchimé Rigdzin Rinpotché. En 2008, ce texte a été publié avec un commentaire fort édifiant de James Low, l’un des plus anciens élèves de T. R. Rinpotché. Il est disponible aux Editions Khordong (cf. la bibliographie ci-dessous) sous le titre « Dans le Mandala de Padmasambhava. ».

Sarva mangalam !


Références bibliographiques :

Dans le Mandala de Padmasambhava, Editions Khordong France, 500 rue G. de varey, 69380 Belmont d’Azergues.  Ou  khordong.france@orange.fr
La Prière en Sept Chapitres de Padmasambhava, Editions Khordong France.



3 commentaires:

  1. bonjour
    editions Khordong france
    500 rue guillaume de varey
    69380 Belmont d'azergues

    28 euros port inclus

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  2. Bonjour Patrice, l’adresse est toujours d’actualité? Mon texte commence à fatiguer...Meilleurs souvenirs d’Oliver number two comme m'appelait Rimpotché. Olivier Gaume

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