Everybody in Khordong sangha knows and worships Dorje Drolö, the most wrathful form of Padmasambhava. Of course, C. R. Lama is the incarnation of Nüden Dorje who is specially related to this form of wrathful wisdom energy. Khordong Nüden Dorje was called Nüden Dorje Drop'an Lingpa Drolö Tsal, Drolö Tsal meaning Dorje Drolö's energy. The termas revealed by Nüden Dorje and C. R. Lama are especially rich concerning sadhanas on this deity.
And it was obvious that C. R. Lama didn't make much efforts to restrain this fierce and unpredictable energy. At the very beginning, some clues should have set me thinking about that: when Rinpoche met Etienne at the end of his three years retreat, the latter seemed fascinated by how calm was Rinpoche: he repeated many times: "Rinpoche, it's amazing how quiet you are..!" In the foreword of his book Being Guru Rinpoche, James Low explains about the atmosphere in Shantiniketan at Rinpoche's home: "C. R. Lama was a very powerful yogi and the root text was translated and printed in a wrathful mandala of terrifying anger and intensity. Hesitation was burnt up on the spot and the flow of transmission was a ceaseless river of molten lava from the beginning to the end." We can easily imagine the general atmosphere at Rinpoche's that time.
Despite of that, it seems that in the West, C. R. Lama channeled a little this energy and there rarely were some unexpected explosions. In India, it was another story and I quickly could realize it during our first trip together in India. During the months before the butterlamps offering in Bodhgaya, I was the target of an unstoppable crushing. I could hardly give my opinion about anything without immediately feeling the blast of the explosion of anger/wisdom of the master. I must admit that my scientific background, my tendancy to argue and to split hairs made me the perfect receptacle. As soon as I tried a comparison between India and the West, as soon as I gave my opinion on something, as soon as I began a sentence by "Yes, but..." it was the barney 100% pure Drolö. No need to explain how uncomfortable I felt during these weeks, but anyway, I felt like magnetized by this Lama, so much that the idea to leave him didn't ever come to my mind during that time.
But one day, just before going to Bodhgaya for the 100 000 butterlamps offering, in the middle of a shouting, I clearly saw the root of the problem: my always arguing mental, always labelling, comparing, giving his opinion on everything, always wanting to be right. At the very moment I saw that, I surrendered, I gave up all ambition of arguing, discussing, reasoning etc. At the same moment, totally simultaneously, Rinpoche's voice changed. His sentence that had begun like a shout finished very softly and gently, changing at the exact moment I changed inwardly. The end of our talk became very peaceful and from then on, I was (quite) never the target of these shoutings that Rinpoche himself used to call Drolö's blessings. But don't mistake it: I'm not saying that I forever got rid of this purturbating intellect. It's just that from then, I could better distinguish between this narrow and useless mental agitation and the vast and opened presence that never failed to invade me when I was near Rinpoche.
I was not the only one to have the privilege to receive such Drolö blessings. Particularily in India, I could observe the phenomenon 'from outside'. I could then notice a few things. In these moments, Rinpoche was not really angry, as we all are. This wrathful energy flew and liberated itself instantly without leaving any trace. I remember once while I was with him at his house in Shivmandir, near Siliguri. A student very gifted to make the Drolö blessings fall arrived from the railway station and came in while we were having tea. After a very short time, a few minutes no more, Rinpoche shouted at him furiously and told him to go away. Immediately after, he turned to me and told me very peacefuly and laughing: "Oh, I think this time I could be heard to the highway (that is about 1 km far). Let's have more tea." Instantly, without transition, he passed from wrath to peace, "anger didn't leave any trace. Many times, especially when I was translating interviews for him, I could witness this total change according to whom he was talking with. I understood lately that this was clearly a sign of advanced process of self-liberation in rigpa. That is what made him totally impredictable. You left him one day with such mood but you didn't know how he would react with you the next time you would meet him.
Tout le monde dans la sangha de Khordong connaît et vénère Dorje Drolö, la forme la plus courroucée de Padmasambhava. Et pour cause, C.R. Lama est l'incarnation de Nüden Dorje, qui est particulièrement lié cette forme d'énergie féroce de sagesse. Khordong Nüden Dorje était appelé Nuden Dorje Drop'an Lingpa Drolö Tsel, où Drolö Tsel signifie l'énergie de Dorje Drolö. Les termas révélés par Nüden Dorje et C. R. Lama sont particulièrement riches en sadhanas de cette déité.
Et ce qui est certain, c'est que C. R. Lama ne faisait guère d'effort pour réprimer cette énergie violente et imprévisible. Au tout début, certains indices auraient dû me mettre la puce à l'oreille: lorsque Rinpoche retrouva Etienne à la sortie de sa retraite de trois ans en Dordogne, ce dernier semblait fasciné par le calme de Rinpoche et je le vis répéter à plusieurs reprises: "Mais c'est incroyable comme vous êtes paisible, Rinpoche, comme vous êtes calme." Cela semblait inconcevable pour lui, qui ne l'avait plus revu depuis l'époque où Rinpoche vivait à Shantiniketan. Dans la préface de son livre "Dans le mandala de Padmasambhava", James Low précise à propos de cette période où Rinpoche habitait à Shantiniketan: "C. R. Lama était un yogi très puissant, un maître de l'énergie, et le texte racine fut traduit et édité dans un mandala courroucé animé d'une intensité et d'une colère terrifiantes. L'atermoiement était carbonisé sur place, et le courant de transmission était un fleuve incessant de lave en fusion, du début à la fin." On imagine donc aisément l'ambiance générale chez Rinpoche à cette époque.
Malgré cela, il semble qu'en Europe, Rinpoche canalisait quelque peu cette énergie et il y avait rarement des explosions inattendues. Il en était tout autrement en Inde, et j'eus tôt fait de m'en apercevoir lors de notre premier voyage ensemble. Durant les mois qui précédèrent la retraite des lampes à beurre à Bodhgaya, je fus la cible d'un pilonnage incessant. Il m'était pratiquement impossible de donner mon avis sur un sujet sans ressentir immédiatement le souffle de l'explosion de courroux/sagesse du maître. Je dois avouer que ma formation scientifique et ma tendance à argumenter et à couper les cheveux en quatre faisaient de moi un candidat parfait. Dès que je tentais une comparaison entre l'Inde et l'Europe, dès que je donnais mon avis sur quelque chose sans qu'on me l'ait demandé, dès que je commençais une phrase par "oui mais..." c'était l'engueulade garantie 100% pur Drolö. Pas besoin d'expliquer l'inconfort dans lequel je me trouvai durant toute cette période mais je dois avouer que j'étais comme aimanté, magnétisé par ce Lama, à tel point que l'idée de partir ne m'a même pas effleuré l'esprit durant toute cette période.
Et puis un jour, un peu avant de nous rendre à Bodhgaya pour l'offrande des 100 000 lampes, au beau milieu d'une engueulade, je vis clairement où était la racine du problème, mon propre mental pinailleur, discuteur, sans cesse à étiqueter, juger, comparer, donnant son avis sur tout, essayant d'avoir raison etc. À l'instant-même, je lâchai prise, j'abandonnai complètement toute velléité de discussion, d'idéation, de raisonnement, d'imposer mon point de vue. À l'instant même, totalement synchrone, le ton de la voix de Rinpoche changea. La phrase ayant débuté en hurlement se termina sur un ton doux, paisible et aimant; à l'instant précis où je lâchai intérieurement. La fin de notre conversation fut très harmonieuse et dès lors, je ne fus (quasiment) plus jamais la cible de ces bénédictions spéciales. Dès lors, quand j'étais avec lui, je pris l'habitude de laisser mon mental à la porte d'entrée, et ce fut pour moi la fin de ce que Rinpoche appelait lui-même les bénédictions de Dorje Drolö. Ne nous mentons pas, je ne suis pas en train de dire que je fus débarrassé à jamais de ce mental perturbant, juste que je pus dès lors mieux distinguer entre cette agitation mentale étroite et inutile et la vaste présence ouverte qui ne manquait de m'envahir lorsque j'étais au contact de Rinpoche.
Enfin, il y eut bien encore une fois, plus tard, en France, lors d'une retraite dans le Jura, à Prémanon. Nous étions en train de pratiquer la Grande Rigdzin, la Sadhana du Gourou Vidyadhara appartenant au terma de Nüden Dorje et de Rinpoche. Nous étions en train de chanter la prière en sept vers qui précède la descente des bénédictions, avant la visualisation. Je n'étais peut-être pas très concentré sur la pratique et la descente des bénédictions à ce moment là, plus focalisé sur les problèmes liés à l'organisation de la retraite. Je reçus pourtant une bénédiction, très spéciale: Rinpoche arrêta brusquement la pratique, me regarda, et hurla devant l'assemblée d'une centaine de personnes: "Patrice, tu n'as aucune dévotion. Nous les Tibétains, lorsque nous pensons à Padmasambhava, nous avons les larmes aux yeux, tous les poils de notre corps se dressent. Mais toi, où est ta foi, où es ta dévotion?" Puis comme si de rien n'était, nous reprîmes la pratique. Ce fut un précieux enseignement que je reçus ce jour là, tant pour mon petit orgueil (je ne comprends pas que certains proches de lamas aient pu se plaindre de se faire ridiculiser en public par leur lama; quoi de meilleur pour nos egos surdimensionnés d'intellectuels au visage pâle?) que pour l'enseignement qui me fut délivré. Ce fut bref, précis et puissant, si bien que 25 ans après, je m'en souviens encore parfaitement comme si c'était hier. Et je me suis même surpris, par moments, au cours de pratiques, lorsque l'esprit est particulièrement calme et clair, à constater un peu plus d'humidité que nécessaire dans les yeux, et les poils, les fameux poils, lorsque je pense au Lama. Je ne crois pas que cela ait eu la moindre chance de se produire un jour sans cette puissante bénédiction de C. R. Lama.
Je ne fus pas le seul à avoir le privilège de recevoir de tels Drolö blessings. En Inde en particulier, je pus observer "de l'extérieur" le phénomène. Cette distance me permit de constater plusieurs choses. Déjà, dans ces moments, Rinpoche n'était pas vraiment en colère, ou en tout cas, cette énergie courroucée s'auto-libérait instantanément. Elle ne laissait pas de trace. Je me souviens d'une fois où nous étions dans sa maison de Shivmandir, près de Siliguri. Un élève particulièrement doué pour faire tomber la pluie des bénédictions de Dorje Drolö et venant d'arriver en Inde débarqua dans la maison alors que nous étions en train de prendre le thé. Au bout de très peu de temps, quelques minutes tout au plus, après une courte discussion qui sembla le contrarier, Rinpoche entra dans une transe furieuse et lui hurla de s'en aller. L'instant suivant, il se tourna vers moi et dit d'une voix parfaitement douce et calme, en riant. "Ah ben là, je pense qu'on a dû m'entendre jusqu'à la nationale (1 km à vol d'oiseau). Ressers-nous donc un peu de thé." En un instant, sans transition, il était passé d'une énergie de rage à une attitude paisible juste en changeant d'interlocuteur. À de nombreuses reprises, je pus remarquer ce changement complet et instantané d'humeur en fonction de ceux à qui il s'adressait lors des entretiens que je traduisis lorsque je l'accompagnais. Je ne compris que bien plus tard que cela témoignait clairement d'un niveau très avancé dans le processus d'auto-libération en rigpa. C'est ce qui le rendait totalement imprévisible. Vous le quittiez un jour dans une certaine humeur mais vous ne saviez jamais quelle serait son humeur la fois suivante où vous le rencontreriez.
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